oh je vois ! et alors, c'est quoi ton histoire ?

« Your eyes may behold but the story I'm told is your heart is as black as night. Your lips may be sweet such that I can't compete but your heart is as black as night. » Your heart is as black as night - Melody Gardot.

La gifle fût si retentissante qu'elle mit un moment à s'évanouir dans les airs. « Va te faire foutre... » Dans son dégoût, Dorian donna le sentiment de cracher au visage de son père, et si ce dernier tenta de le retenir, le jeune Saint-Clair s'y déroba d'un geste habile, de même qu'il ramena les pans de sa veste avec fermeté sur son torse. Rabattant sa capuche alors qu'il traversait le couloir d'un pas vif, il poussa la porte de sa chambre quand les mains puissantes de son géniteur le saisirent aux épaules pour le plaquer contre l'embrasure. Le choc lui vrilla douloureusement les reins, et, même s'il se débattit, sa violence s'additionnant à celle de son assaillant l'entailla d'autant mieux. « Écoute-moi bien, petit con. Ça fait vingt ans que tu es nourri, logé... » « Tu l'as voulu ! » « J'ignorais que je n'aurais qu'un ingrat, un incapable, et un complet abruti. » « Fallait y penser avant de foutre ta queue dans la... » Les jointures s'abattirent sur la tempe, et Dorian s'affaissa. Ravalant ses larmes, il rampa à moitié sur le parquet de sa chambre, assistant au spectacle terrifiant de son père enragé, soumis aux affres de toutes ses violences coutumières conjuguées. Dans un élan de panique, il alla même jusqu'à supplier cette mère, là, qui toujours l'avait protégé mais qui, ce soir, ne pouvait rien. S'il voulait s'arracher au joug paternel, il devait aussi renoncer à l'asile maternel. Il le devait. Et si c'était le prix de son indépendance, Dorian s'en sentit l'étrange témérité. « Je reste ton père. Tu me dois du respect, t'entends ? » Dans un sursaut d'un théâtre sordide, Dorian cracha au sol. « Je ne t'ai jamais respecté. » « Sombre petit c... » « Je ne t'ai jamais respecté, hurla Dorian pour seule défense, les mains venant protéger son visage. J'ai seulement appris à te craindre. C'est ça ton autorité, ta putain d'autorité ! La peur de me faire cogner ! » Un silence se suspendit entre les deux hommes, tandis que la colère et les larmes ne cessaient de croître de part et d'autre. « Si tu veux cogner, cogne ! Mais je partirai quand même... Frappe, frappe fort, parce que ça n'arrivera plus jamais. Je ne te laisserai plus faire. Je n'aurai plus peur. » Mais il était, en fait, complètement terrifié. Il craignait chaque coup. Il craignait chaque riposte. Tout cet être planté là, devant lui, lui inspirait de la crainte, une crainte sans nom. Il aurait voulu la quitter, il aurait même voulu la vaincre, mais la peur supplantait l'ensemble de ses courages. Tous ses courages.

Arthur Saint-Clair n'était pas particulièrement violent. Il ne le battait pas en soi. Il n'avait corrigé son fils qu'à quelques occasions. De mauvais bulletins. Des mensonges éhontés. Mais c'était bien le seul mode de correction qu'il avait enseigné à Dorian. Or celui-ci était honnête : s'il respectait son père, il ne le faisait qu'à hauteur de ce qu'il pouvait craindre des représailles physiques. C'était aussi simple que ça.

« Baby, I've been here before, I've seen this room and I've walked this floor. I used to live alone before I knew you. I've seen your flag on the marble arch, but love is not a victory march... It's a cold and it's a broken hallelujah. » Hallelujah - Jeff Buckley.

« Encore... » Un soupir exaspéré à la commissure de ses lèvres, Julien, modeste architecte au célibat tranquille, ajusta le volume de sa télévision. Bientôt, et pour son plus grand soulagement, le téléfilm étouffa les vociférations de ses voisins qui, à l'étage du dessus, jouaient encore le grand drame de leurs disputes passionnées. S'il était habitué, il se lassait aussi. Et s'il avait un jour voulu d'un semblant d'Amour dans sa vie, ces deux-là l'en avaient savamment dissuadé.

Rompu par l'angoisse, et malgré sa colère, Dorian n'osa pas la retenir. Il craignait bien trop de la briser. Elle lui semblait déjà d'une constitution si fragile, cristalline. Il n'aurait pas supporté de lui faire le moindre mal. Ni maintenant, ni jamais. Et bien qu'il aurait préféré la prendre dans ses bras, cela non plus, il ne le pouvait pas. Jamais. « Louise, s'il te plait, l'implora-t-il plutôt. » Mais la jeune femme ne l'écoutait plus, s'obstinant à scruter la rue, là, en contre-bas, au travers du carreau qui tenait moins de la fenêtre que de la meurtrière. A la lumière blafarde de cette échappée, et plus encore dans la pénombre de leur petit studio, Dorian se fendit encore du gouffre qui s'était creusé en lui il y a quelques mois, pour ne plus le quitter.
La peau seyait les os, sans distinguer la chair. Ceinturée par une robe aux allures de haillons, les côtes et les hanches décrivaient des courbes acérées, hurlaient leur existence. Les étoffes dévoraient péniblement les cuisses, et les vallées creusées depuis la nuque venaient s'anéantir dans l'implacable dessin d'une colonne vertébrale à la peau si tendue qu'une créature difforme semblait vouloir s'en échapper. Et dans leur terrible infini, les jambes décharnées ne trouvaient de repos que sur de maigres pieds, souffrant, semblait-il, un fardeau bien trop lourd à porter. Aussi le squelette de ce terrible animal terrifiait-il son bel amant ; un homme qui, très certainement, n'aurait trouvé un spectacle si blessant qu'à l'ombre, soixante-dix ans plus tôt, d'usines humaines aux immenses cheminées, aux sordides cheminées.

D'un soupir, il dompta enfin son ardeur. « J'ai peur pour toi, confessa-t-il à demi-mots. Je n'agis pas pour te blesser... » Mais elle demeurait sourde à ses appels. « Louise, insista-t-il d'une nuance impatiente. S'il te plait. » Passant ses mains fragiles sur ses épaules sillonnées de carences, la jeune femme parut calmer un sursaut, un élan que Dorian n'abandonna pas à son triste sort d'acte manqué. « Avant, tu n'étais pas ainsi, raconta-t-il. Tu dévalais les escaliers, tu sautais même les dernières marches... maintenant, c'est à peine si tu peux porter une fourchette à tes lèvres sans trembler (elle étouffa un grognement) quand tu manges seulement. » Comme elle se tourna vers lui, Dorian eut loisir à constater l'éclair de fureur dans le regard de sa belle. Elle ne le haïssait pas, lui, mais tout le discours qu'il tenait. « Avant, je n'étais personne. » Les sourcils froncés, Dorian riposta : « Tu étais la fille dont je suis tombé amoureux. » Blessée, elle parut ravaler une remarque au goût de sang ; il le savait, elle ne supportait pas plus de l'entendre parler d'elle au passé qu'elle ne voulait l'entendre au présent. Pour autant, elle ne supportait rien non plus.
« Alors tu ne m'aimes plus ? » La réponse ne tarda guère. « Je n'aime pas cette femme qui va agoniser sur des podiums pour un peu de gloire, non. » Mais elle n'en resta pas là. « Alors tu ne m'aimes plus ? répéta-t-elle. » Piqué, Dorian soupira. « Louise... » Finalement, elle acheva de se tourner vers lui, et la lumière du jour vint déposer sur ses épaules une sombre aura de désespoir colérique, de justice vindicative. « Tu ne m'aimes plus, Dorian ? » Il ne répondit rien. Il préféra ne rien répondre.

Dorian se souvenait très clairement de leur rencontre. Dans le métro. Un mardi soir.
« C'était un mardi soir, conta-t-il à voix haute. Il avait plu toute la journée. Je finissais un boulot de merde près du quai, quand je t'ai entendue. Tu étais en train de rompre avec lui, à la descente d'une rame. Un grand blond. J'n'ai jamais su comme il s'appelait, et il n'avait pas l'air de comprendre qu'tu voulais qu'il dégage. Tout du long, tu m'as laissé le sentiment que ça ne te faisait rien mais, dès qu'il t'a laissée seule sur ce quai, t'étais complètement perdue. » Il y eut un silence. « Je t'ai tout de suite aimée. » Le regard de la jeune femme accepta de s'ancrer plus profondément dans le sien, mais la lueur de ses sombres iris trahissait son corps lacéré par les mots du souvenir. « Je t'ai tout de suite aimée, répéta-t-il alors. Pour ta façon de vivre la solitude au milieu d'une foule. Pour cette frange qui te bouffait le front. Pour cette jupe qui te rendait vulgaire. Et pour ce regard qui méprisait tout de même le monde entier. Je t'ai tout de suite aimée dans ta souffrance et dans ton égoïsme, Louise. Je t'ai toujours aimée. » Dans son désarroi romantique, Dorian finit de lui tendre la main. La jeune femme, souffrante créature, ne cessait jamais de le scruter sans agir, et si au bord de ses yeux se déversaient quelques torrents iodés, tous apprêtés à achever son amoureux, elle refusa. Louise refusa. « Étienne. » Ravalant l'intention, Dorian fût tristement incapable de comprendre. « Il s'appelait Étienne, reprit-elle devant son silence, le type qui n'avait pas l'air de comprendre que j'voulais qu'il dégage. » Un fin rictus se dessina sur les lèvres de la jeune femme, pareil à ces moqueries acides qui résonnent longtemps dans un cœur amoureux. Et ce fût le cas. Dramatique et sordide. S'arrachant à la violence de ces secondes et constatant les éclats de douleur sous sa peau, Dorian ramassa sa veste, et s'éclipsa au dehors.

Il s'engouffra dans la nuit, cette mer noire où noyer sa terreur d'avoir un jour aimé un être si froid, si terne, à l'âme en cendres. Dorénavant, il le savait, il ne l'aimait que par habitude. Il n'aimait plus qu'un souvenir. Rien qu'un souvenir.

« Baby, you are where dreams go to die, and I regret the day your lovely carcass caught my eye. Baby, you are where dreams go to die and I've got to get away. I don't want to but I have to try. I promise I'll tell no one. » Where dreams go to die - John Grant.

Fébrile, le papier se froissa entre ses doigts. Sa démarche tremblante résonnait sur la pierre, le sang battait ses tempes, et sa cravate l'empêchait de déglutir correctement. Le cœur au bord des lèvres, et l'estomac remonté dans la gorge, Dorian oscillait dangereusement entre le vertige et l'évanouissement pur et simple. S'il tint bon, il ne se l'expliqua pas. Parvenu à son terme, il effleura le bois du bout des doigts, tant et si bien qu'une image frappa momentanément sa rétine. S'interrompant un moment, il mit de longues secondes à considérer l'évènement. Devant ses yeux, un sourire. Une lèvre mordue. Et un regard. Un regard qui dit Je t'aime pour tout ce que les lèvres sont impuissantes. Un sourire. Puis le vide. Le voile se déchira simplement. Sous l'invective d'un raclement de gorge, Dorian ravala encore sa terreur et s'avança. Ajustant le micro, il scruta l'assistance, un parterre d'inconnus. Avec angoisse, il n'en reconnut aucun. Ces visages qui auraient dû lui être familiers lui paraissaient soudain hostiles et étrangers.

« J'aimais Louise. » Malgré qu'il reposa sur le pupitre, le papier se froissa un peu plus sous ses doigts. « J'aimais cette fille qui refusait de dormir avant d'être épuisée. J'aimais cette fille qui jouait avec sa cigarette pendant des heures pour ne pas l'allumer. J'aimais cette fille qui m'demandait de quitter son appart' au p'tit matin alors qu'on vivait ensemble depuis des mois déjà. J'aimais cette fille qui me disait Je t'aime dans son silence, tout comme j'aimais cette fille qui le niait dans la seconde qui suit... Je l'aimais. J'aimais terriblement cette fille. La vôtre. » Un moment, Dorian ne scruta que les parents de Louise, cet homme et cette femme aux visages tuméfiés par le chagrin, ceux-là même qu'il s'apprêtait à lacérer encore. « J'aimais cette fille... que j'ai enterré il y a longtemps, maintenant. » Un murmure souleva l'assistance, et les larmes redoublèrent. La réprobation persifla, mais Dorian n'en écouta pas une note.

Il les avait tous entendus un par un. Les uns après les autres. D'abord, la mère, Sophie Davois. « Si... s... si seulement nous avions su. Si seulement nous avions... v... vu qu'elle n'allait pas bien. Je... Louise... Elle était tout ce qui comptait pour moi. Elle... Louise, je... » Et ses larmes n'avaient pas discontinué, redoublant à la vue du cercueil, et hachant un discours déchirant. Puis Victor, le père. « Le devoir d'un père est de protéger son enfant, depuis sa naissance jusqu'au jour de sa propre mort. Je ne me le pardonnerai jamais. Personne ne pourrait se le pardonner. Rien ne me rendra ma fille. Et, pourtant, je donnerai tout pour la retrouver. » S'il était resté digne, son pas claudiquant avait trahi l'éminence de son désarroi. Encore le frère. « Je n'étais plus proche de ma soeur depuis longtemps. Je ne l'ai même pas vue grandir. Mais je l'aimais. Comme tous les frères se doivent d'aimer leur soeur. Je l'aimais et je ne l'oublierai pas, car Louise était tout ce que je ne suis pas. » Émile Davois n'avait pas semblé affecté, et il avait repris sa place. Il avait peu connu sa soeur et, de toute évidence, personne ne lui avait demandé de s'en cacher. Enfin, vint sa plus proche amie, Adèle. « Elle transpirait l'ambition, elle savait ce qu'elle voulait. Elle faisait ce qu'il fallait pour l'obtenir. J'aurais dû prendre soin d'elle, la première, j'aurais dû voir... et elle me manque. Elle ne cessera jamais de me manquer. On ne remplace pas une fille comme Louise. Jamais. » Simple. Et circonstancié.

Maintenant, c'était à lui. Il les avait tous écoutés, et c'était à son tour. Sous l'œil attentif, ou inquiet, de tous, il déchira finalement son discours et libéra chaque lambeaux prisonniers de ses paumes. Dorian défit le nœud de sa cravate, qu'il jeta à côté, et alors seulement il reprit : « Vous n'êtes que des connards hypocrites, qui se donnent bonne conscience déguisés en parents en proches ou en amis... mais qui n'ont rien vu parce qu'ils ne voulaient rien voir. » Le cœur rompu par la colère et par l'absence, Dorian déversa tant de rage que de larmes. « Vous ne savez pas de qui vous parlez. Vous ne savez rien de Louise, vous ne savez rien de la fille que j'aimais et que j'ai vu mourir au jour le jour. Vous ne savez rien d'elle, et vous n'étiez pas là... Vous n'étiez pas là, bordel ! vous avez été absents si longtemps, et vous avez pourtant l'audace d'être là, auprès d'elle, alors qu'elle n'a plus besoin de vous maintenant. Vous étiez où, hein ? Vous étiez où, putain, quand elle se laissait crever pour entrer dans des robes haute-couture ? quand elle refusait de se nourrir en vue d'un défilé ? quand elle se faisait vomir au beau milieu de la nuit ? quand elle avalait des plaquettes entières de comprimés qui menaçaient de la tuer à n'importe quel moment ? Vous étiez où, putain, quand elle passait des heures entières étendue sur son lit, épuisée et désespérée, abîmée par ses ambitions, et par les vôtres ? Je veux savoir où vous étiez pour cette fille que vous prétendez tous avoir aimé un jour ! » Un sanglot le força à tousser, mais sa ferveur n'aurait su s'enrayer. « On savait tous ! Vous avez hoché la tête, vous avez ignoré mes mises en garde, et vous avez balayé mes appels !... Elle s'est lentement donnée la mort, hoqueta-t-il, et nous l'avons assassiné, gémit enfin Dorian en s'affaissant lentement. Je l'ai assassinée. » Le souffle court, et l'âme en cendres, il se traîna comme une pauvre créature jusqu'au funeste cercueil de sa bien-aimée. Il caressa encore le bois. Inlassable. Jusqu'à ce que l'air dans ses poumons cessa de lui être douloureusement amer. Jusqu'à ce qu'il oublie. Jusqu'à ce qu'il oublie tout, tout sauf elle. Elle seule comptait, elle seule avait compté.

Il n'y avait que Louise. Rien que Louise. L'avant, l'après n'étaient bien qu'accessoires. Ce qui précédait n'avait été qu'une débâcle et ce qui allait suivre ne serait qu'une noyade.

Han, j'adore ce prénom !
BIENVENUE

Bienvenue sur GB Bon courage pour ta fiche et si tu as la moindre question n'hésite pas

Je ne vais rien dire, je ne vais rien dire...

Bienvenue ici et bonne chance pour ta fiche

Jamie H. Grimes a écrit:

Je ne vais rien dire, je ne vais rien dire...

Un seul mot à dire; Magnifique ♥

Dieu. C'te blague.

bah je t'ai déjà souhaité la bienvenue sur la box mais je vais pas résister bien longtemps à venir squatter sur cette petite fiche

très prometteur comme personnage, et puis le pseudo est bien trouvé bienvenue parmi nous, bonne chance pour la suite de ta fiche et encore désolé pour tout ce blanc qu'on t'impose

Cassandre Laclos a écrit:

Dieu. C'te blague.

Medhi

Tu es validé
Tu peux dès à présent faire une fiche de liens et demander un appartement.